2021 : Ne laissons pas la crise sanitaire masquer la crise de l’École 

Il y a un an jour pour jour, la première Université d’Été des Enseignants et de l’Éducation réunissait à la Cartoucherie de Vincennes plus de 650 professeurs du primaire, du secondaire et du supérieur, venus de toute la France pour mener sereinement une réflexion sur leur métier et son évolution face aux réformes en cours. Pendant trois journées, au cours de dizaines d’ateliers, de causeries et de projections de films, une parole riche, indépendante et libre s’est déployée, à l’abri de l’institution et de sa hiérarchie, qui avait montré lors du bac 2019 toute l’étendue de son autoritarisme et de son arbitraire. Inédite par sa forme et son organisation, cet événement témoignait alors d’un nouvel élan et montrait une volonté de reprise en main et de refondation du métier de professeur par les enseignants eux-mêmes. 

Une réforme du baccalauréat et des retraites ainsi qu’une grave crise sanitaire plus tard, force est de constater que cet élan a été interrompu. 

La première moitié de l’année scolaire 2019-2020 a vu une mobilisation importante du corps enseignant contre la réforme du baccalauréat et les évaluations en cours de formation dites « E3C » ainsi que contre la réforme des retraites, particulièrement pénalisante pour les professeurs. Cette mobilisation a pris la forme de nombreuses assemblées générales, certaines interprofessionnelles, ainsi que de la grève, particulièrement suivie au mois de décembre. Malgré l’apparent succès de ce mouvement et malgré la défiance, voire parfois la détestation d’une grande partie du personnel de l’Education Nationale vis-à-vis de son ministre, sa reconduite à la tête du ministère a douché les espoirs d’un changement.

La concertation inexistante, l’ignorance de la parole et de l’expertise de terrain apparaissent donc une nouvelle fois comme le mode de gouvernance favori du ministère. Quant aux réformes successives, elles détruisent peu à peu l’autonomie pédagogique des professeurs et la chimère récente de l’enseignement à distance pour tous, improvisé par les professeurs avec leur matériel personnel, les cantonne à un rôle de distributeur de contenus, le ministère n’hésitant pas à utiliser la crise sanitaire pour redéfinir notre métier, à nos dépens. 

Le maintien et le renforcement du ministre nous obligent aussi à nous interroger sur les formes que doivent revêtir les contestations pour être écoutées et respectées. Si les formes traditionnelles de la lutte sont nécessaires, cette dernière doit trouver aussi de nouveaux modèles dans lesquels s’incarner. C’est cette réflexion qui avait mené à l’organisation de cette première université d’été dont le communiqué final et les retranscriptions des ateliers sont toujours disponibles sur notre site.

Aujourd’hui, à la veille d’une rentrée qui s’annonce particulièrement compliquée et tendue, cette réflexion nous semble plus que jamais d’actualité. Nous restons convaincus que les enseignants sont avides de retrouver des espaces libres de réflexion, de parole et de travail afin d’élaborer la transformation démocratique et émancipatrice de l’École. 2022 sera une année d’élection présidentielle et la question du vote des enseignants sera, à n’en pas douter, une des variables de son issue. Nous devons saisir cette occasion pour peser de tout notre poids dans les questions d’éducation, souvent absentes ou négligées par les chantres du « monde d’après ». 

Ce 26 août 2020, jour anniversaire de l’université d’été, nous lançons donc le chantier de l’université d’été 2021. 

L’éducation est une chose trop sérieuse pour être laissée au seul ministre et à son cabinet.

Les organisateurs

 

Communiqué final de l'UEE 2019

Annoncée début juillet, lors des dernières assemblées générales d’Île-de-France, l’Université d’Été des Enseignant.e.s et de l’Éducation a rencontré un grand succès. Les inscriptions ont largement dépassé les prévisions des organisateur.rice.s : plus de 650 personnes, prenant sur leur temps personnel, ont participé à cet événement. Pendant trois jours, à la Cartoucherie de Vincennes, des enseignant.e.s et plus largement des professionnel.le.s de l’éducation, des chercheur.e.s, des élu.e.s, des lycéen.ne.s et des parents d’élèves se sont retrouvés autour des trois thématiques « Enseigner », « Dialoguer », « Lutter », déclinées au travers de 27 ateliers, 14 causeries, ainsi que de projections de films documentaires suivies de débats.  

L’Université d’Été a indéniablement répondu à une nécessité et à un manque : une nécessité de dialogue, de concertation et de réflexion, et un manque de cadre pour les mener. En choisissant la semaine de la pré-rentrée ainsi que le lieu-refuge de la Cartoucherie de Vincennes, les organisateur.rice.s ont donné la possibilité aux enseignant.e.s de se réunir autour de leur métier, de réfléchir ensemble à leur rôle dans la société et de penser les actions à mener dès la rentrée. Ils leur ont également permis de réaffirmer voire de retisser des liens trop souvent distendus avec ceux qui, hors de la classe, sont également indispensables à la réussite des élèves. L’UEE a ainsi été un espace important de rencontre avec les parents d’élèves, les syndicats lycéens, la presse alternative, les collectifs et associations engagés dans les questions éducatives.

Les élèves doivent recevoir des outils pour transformer le monde, et non pour l’accepter tel qu’il est, inégalitaire, sexiste, discriminant, en plein effondrement écologique et institutionnel. C’est pourquoi l’UEE défend avec fermeté la liberté pédagogique des enseignant.e.s, seule à même de garantir une formation éclairée du citoyen, loin des simples visées utilitaristes. Or, cette liberté est grandement attaquée et menacée par la réforme du lycée, qui réduit en partie le professeur à un simple distributeur de contenus évalués de manière trop contrainte et constante pour qu’un apprentissage soit possible. Sous cette pression, le métier de professeur se vide de son sens, et les changements à venir de la formation des enseignant.e.s contribuent aussi à cette désappropriation. 

Contribuant à renforcer ce sentiment, les pratiques autoritaires de l’institution ont été montrées et dénoncées dans de nombreux ateliers. Le manque de démocratie interne et de dialogue, notamment au niveau des établissements, crée du découragement, de la frustration et parfois même de la souffrance parmi tous les acteurs du système éducatif. 

Enfin, dans un lieu aussi chargé de symboles que la Cartoucherie, les enseignements artistiques apparaissent comme une nécessité absolue. Leurs vertus éducative, émancipatrice, créative ne sont plus à démontrer. Ils doivent retrouver toute leur noblesse. Le cinéma participe notamment de l’éveil des consciences, et les nombreux films documentaires projetés durant ces trois journées ont mis en lumière les enjeux historiques, économiques, idéologiques de l’éducation. 

Le théâtre du Soleil, soutien de la première heure, se propose de nous ouvrir ses portes dans la deuxième moitié du mois d’octobre, nouvelle occasion pour nous de poursuivre les réflexions engagées.

Un grand merci à tous les participant.e.s, les donateur.rice.s, ainsi que pour le soutien des théâtres, des municipalités de Fontenay, Paris 12e et Montreuil, du département du Val-de-Marne, des syndicats enseignants et lycéens, des fédérations et collectifs de parents ainsi que d’associations engagées dans les questions éducatives (liste complète en cliquant ci-dessous).